« Dieu a tant aimé les hommes qu’il leur a donné son fils »
C’est ainsi que le mot est devenu frère. « Frère d’Abel et aussi de Caïn, frère d’Isaac et d’Ismaël, frère de Joseph et aussi des autres qui l’ont vendu, frère de Pierre, de Juda, de l’un et de l’autre » (Christian De Chergé[1]).
Pour Christian De Chergé, martyr de Tibhirine, le Verbe est devenu frère du juif (frère d’Isaac) du musulman (frère d’Ismaël) avec la venue dans notre monde de Jésus-Christ, dit Christian, une fraternité nouvelle et universelle a commencé.
Au nom de cette fraternité universelle, l’après-midi de Pâques, nous avons organisé une grande fête dans la salle paroissiale d’Oujda avec nos frères musulmans. Nous les avons accueilli à nouveau à la fin du ramadan à l’occasion de l’Aïd, grande fête musulmane.
Nous nous sommes réunis pour rendre gloire au Dieu unique qui aime tous les hommes. La fête de l’Aïd s’est ainsi déroulée : tôt le matin, nous nous sommes levés pour prier et cela a duré une heure (louanges, remerciements, chants et prosternations). Dans la salle un banquet avait été préparé et vers midi le déjeuner a commencé.
Le repas avait été préparé à l’avance pour que nous puissions être tous ensemble le jour de la fête. Il était agréable de voir ces jeunes qui s’improvisaient cuisiniers, gardiens et nettoyeurs. Tout a été fait en famille.
Après le déjeuner, la fête s’est poursuivie jusqu’en soirée. Musiques et danses africaines se sont succédées au rythme de ce que nous appellerions le disco.
Le mois du ramadan est long et il est difficile de le vivre fidèlement : on se lève tôt le matin pour manger un peu, puis on jeûne toute la journée jusqu’à 18 heures, heure à laquelle le muezzin annonce la rupture du jeûne, pour manger encore un repas frugal. Durant la journée, on va l’école ou au travail et on prie.
Il est difficile d’exprimer avec des mots la joie de ces jeunes de retrouver toute leur humanité et de vivre la fête comme s’ils étaient chez eux, dans leur famille. Ils ont passé de longs mois à marcher dans le désert et ils y ont rencontré des personnes qui leur ont tout pris, y compris la volonté de vivre. Ils ont vécu des moments où il ne leur restait que l’espérance en Dieu qui les aime et les protège. Aujourd’hui, ils peuvent remercier ce Dieu avec le cœur et la joie de ceux qui se sentent encore prêts à vivre leurs rêves ; avec le même courage avec lequel ils ont quitté la maison en disant au revoir à leurs parents, frères et sœurs. Demain, après la célébration, beaucoup prendront la route pour le long voyage qui les attend encore avant d’atteindre la destination de leurs rêves. Pour nous, les Missionnaires de la Consolata d’Oujda, le service missionnaire est précisément cela : consoler, redonner espoir, prier Dieu avec et pour les jeunes migrants qui débarquent dans notre fraternité.
[1] Christian de Chergé, est un prêtre catholique français de l’ordre des cisterciens qui fait partie des 7 moines de Tibhirine en Algérie, pris en otage et assassinés en 1996.