Extrait d’un entretien avec Monseigneur Inácio Saure, missionnaire de la Consolata et archevêque du diocèse de Nampula au Mozambique.
La situation de guerre au Cabo Delgado est dramatique. Elle a commencé en octobre 2017. On parle de plus de 2 500 morts et de nombreuses personnes déplacées qui n’ont pas quitté la région depuis. Elles doivent essayer de survivre au jour le jour. Beaucoup arrivent sans rien. […] d’autres ont des membres de leur famille qui les accueillent […] et à ce stade, la pauvreté et la rareté des ressources « partagées » deviennent encore plus grandes et, dans certains cas, se transforment en une véritable famine. D’autres, moins nombreux, ont réussi à économiser et tentent peu à peu de reconstruire leur vie dans les régions qui les ont accueillis.
L’archevêché, qui compte également sur la solidarité des ONG et des Églises étrangères, tente de faire ce qu’il peut. Dans la région, à environ 50 kilomètres de la capitale, le gouvernement a tenté de rassembler et d’organiser les personnes déplacées, mais on y manque de tout. Il y a un poste de santé, mais il manque de médicaments. On a installé les gens dans des tentes, mais à la saison sèche, elles sont très chaudes et presque inhabitables et à la saison des pluies, elles sont humides et insalubres. Nous tentons d’aider en construisant des petites maisonnettes. Des gens nous arrivent défigurés par la violence : des femmes ont vu leur mari tué, des enfants ont été témoins de l’assassinat de leurs parents… Avec l’objectif de venir en aide, nous avons établi un projet psychosocial pour soigner ces blessures, qui, même si elles ne sont pas physiques, pourraient avoir des conséquences graves et durables.
Évidemment, toutes ces choses, qui ne sont qu’une goutte d’eau dans une mer de besoins, nous ne pouvons les résoudre seuls. Nous sommes infiniment reconnaissants envers toutes les personnes et les Églises qui tentent de nous aider. Il n’est pas facile de décrire les causes de ce conflit et il n’y en a pas qu’une seule en jeu… Il y a entre autres les grandes multinationales minières intéressées aux richesses du territoire ; il y a aussi le manque d’opportunités et de travail pour les jeunes ; l’abandon de l’État par la pauvreté des services éducatifs et des infrastructures de base qui font croire aux jeunes que la seule opportunité pour surmonter la pauvreté et le désespoir est de se tourner vers les armes. […] Dans l’histoire du Mozambique, il n’y a jamais eu de conflits alimentés par la religion. Notre guerre civile, qui a débuté au milieu des années 1970, était d’une toute autre nature.
Nous devons avoir confiance… Je suis sûr que Dieu, même si nous vivons des moments très douloureux, ne manquera pas de donner la paix à son peuple qui vit au Mozambique.