Le père Luca Bovio, supérieur des Missionnaires de la Consolata en Pologne, nous raconte une expérience vécue récemment. Il a été invité par Don Leszez Kryza, directeur national du Bureau d’aide à l’Église de l’Est, structure appartenant à la Conférence épiscopale polonaise, à participer à une expérience humanitaire en Ukraine. […]
Après avoir rempli la voiture de nourriture et de médicaments, nous partons le 31 mars en direction de la frontière de Medyka, dans le sud-est de la Pologne. Après cinq heures de voyage sous la pluie et la neige, nous arrivons enfin à la frontière. […] Malgré que peu de véhicules traversent la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, le temps de contrôle des documents est très long.[…] les soldats vérifient tout ce qui entre au pays. […] Des problèmes avec un document nous obligent à laisser temporairement le véhicule dans une paroisse franciscaine près de la frontière. Nous décidons alors de traverser celle-ci à pied. […] Une militaire ukrainienne intriguée nous demande pourquoi nous voulons entrer en Ukraine. Étonnée, elle nous fixe pendant un moment, puis sourit et nous remercie pour l’aide que nous voulons offrir. […]
En entrant en Ukraine, on remarque la très longue file de réfugiés qui attendent d’entrer en Pologne […] Ils y seront reçus par de nombreux bénévoles venus de partout : Américains, Espagnols, Portugais, Juifs […] tous des jeunes gens. Ils accueillent les réfugiés avec chaleur, sourires et plein de petites attentions. Quelques-uns sont habillés en clowns pour divertir les enfants […], d’autres se proposent pour aider à porter les bagages des réfugiés et certains autres offrent des boissons chaudes, des repas, du chocolat…
[…] nous nous retrouvons dans un groupe de volontaires polonais qui sont là depuis le début […] nous y rencontrons Magdalena que nous connaissions déjà. Elle nous raconte : aujourd’hui la situation est moins grave […], mais à tout moment, tout peut basculer selon l’évolution de la guerre. […] De nombreuses personnes ont depuis franchi la frontière polonaise, […] Les premiers jours ont été les plus dramatiques : […] des files de plus de 30 km de voitures attendaient de passer la frontière. Assis dans leur véhicule ils étaient malgré tout plus chanceux que la majorité de ceux qui attendent aujourd’hui car ceux-ci sont dehors jour et nuit, même pendant trois ou quatre jours avant de pouvoir traverser la frontière. […] Pour se réchauffer la nuit, ils brûlent tout ce qu’ils peuvent trouver, y compris des vêtements inutilisés. Les bénévoles nous racontent qu’il y a également eu des cas d’accouchements précoces en raison du stress et de la fatigue.
Nous sommes frappés par la dignité de ces personnes. Ils ne se plaignent pas, restent calmes […] et les histoires qu’ils nous racontent sont si terribles et si cruelles qu’il est difficile d’en parler. […] Ils fuient l’extrême est du pays…
Après avoir passé plusieurs heures avec eux, nous revenons en Pologne. […] fatigués, mais conscients que […] nous devons, avec vous tous, faire encore beaucoup de choses pour eux…